Créer son activité indépendante soulève rapidement une question clé : quel statut juridique adopter ? Si vous souhaitez vous lancer seul, sans associé, deux options principales s’offrent à vous : le régime de l’auto-entrepreneur (aujourd’hui intégré à l’entreprise individuelle) et l’entreprise individuelle classique, également appelée EI. Ces deux statuts partagent un tronc commun… mais présentent aussi des différences significatives. Le choix ne doit donc rien au hasard : il doit correspondre à votre projet, à vos ambitions et à votre situation personnelle. Voici les clés pour choisir en toute connaissance de cause.
Auto-entrepreneur ou entreprise individuelle : deux formes proches, mais distinctes
Depuis la réforme de 2022, le régime de l’auto-entrepreneur est officiellement une forme simplifiée de l’entreprise individuelle. Cela signifie que, juridiquement, un auto-entrepreneur est bel et bien un entrepreneur individuel. Mais en pratique, des règles spécifiques s’appliquent aux auto-entrepreneurs, notamment en matière de fiscalité, de comptabilité et de plafonds de chiffre d’affaires.
L’entreprise individuelle « classique », quant à elle, s’adresse à ceux qui souhaitent bénéficier de plus de liberté dans la gestion de leur activité, au prix de règles un peu plus contraignantes.
Le régime de l’auto-entrepreneur : simplicité et accessibilité
Le régime auto-entrepreneur, c’est la voie royale pour tester une idée ou démarrer une activité secondaire, grâce à des démarches allégées et une gestion ultra simplifiée. Il offre de nombreux avantages pour les créateurs :
- Une création rapide, 100 % en ligne et gratuite
- Pas de comptabilité complexe : un simple registre de recettes (et d’achats pour les activités commerciales)
- Des cotisations sociales calculées au pourcentage du chiffre d’affaires (et non sur des bases forfaitaires)
- Une fiscalité simplifiée, avec possibilité de payer l’impôt sur le revenu en même temps que les cotisations (le versement libératoire)
- Aucune TVA à collecter ni à déduire, jusqu’à un certain seuil
Mais cette simplicité a un prix : le chiffre d’affaires est plafonné, à 77 700 € pour les prestations de services et 188 700 € pour les ventes de biens (seuils 2025). Dépasser ces montants entraîne un changement de régime, avec perte des avantages associés.
Autre limite : certaines charges professionnelles ne sont pas déductibles, ce qui peut pénaliser les activités à coûts fixes élevés (location, matières premières, prestations sous-traitées…).
L’entreprise individuelle classique : plus de souplesse, mais plus d’obligations
L’entreprise individuelle hors micro-régime s’adresse davantage aux projets plus ambitieux, ou à ceux qui prévoient d’investir significativement. Elle offre une gestion comptable plus complète, mais aussi plus exigeante.
Parmi les caractéristiques principales :
- Pas de plafond de chiffre d’affaires
- Imposition des bénéfices au barème progressif de l’impôt sur le revenu (catégorie BIC ou BNC)
- Possibilité d’opter pour l’impôt sur les sociétés (IS) via l’EI à responsabilité limitée
- Déduction des charges réelles (loyer, déplacements, achats, etc.)
- Tenue d’une comptabilité complète avec bilan et compte de résultat
Ce statut permet donc de mieux piloter l’entreprise, mais exige une gestion rigoureuse, souvent accompagnée par un expert-comptable.
Depuis 2022, la protection du patrimoine personnel a été renforcée : tous les entrepreneurs individuels bénéficient d’une séparation automatique entre biens professionnels et personnels. Cela réduit les risques en cas de dettes.
Quelles différences en matière de charges et d’imposition ?
Charges sociales
- En micro-entreprise, elles sont calculées à taux fixe sur le chiffre d’affaires : 12,3 % pour la vente, 21,1 % pour les services (chiffres indicatifs 2025).
- En EI classique, elles sont calculées sur le bénéfice réel, ce qui peut être plus avantageux si les charges sont élevées, mais aussi plus imprévisible.
Fiscalité
- En micro, aucune déduction de charges réelles : l’impôt est basé sur le chiffre d’affaires, après abattement forfaitaire.
- En EI classique, les charges sont déduites, ce qui peut réduire le bénéfice imposable et donc l’impôt dû.
Ce point est crucial : un même chiffre d’affaires peut donner lieu à une imposition très différente selon le régime choisi.
Qu’en est-il de la TVA ?
Le régime micro permet de bénéficier de la franchise en base de TVA, tant que les seuils ne sont pas dépassés. Vous ne facturez pas la TVA, mais vous ne la récupérez pas non plus sur vos achats. C’est un avantage pour les prestataires qui travaillent essentiellement avec des particuliers.
L’EI classique, elle, est assujettie à la TVA par défaut. Cela implique une gestion plus lourde (déclarations régulières), mais permet de récupérer la TVA sur les achats professionnels.
Quelle protection pour le patrimoine personnel ?
Depuis la réforme de 2022, tous les entrepreneurs individuels — qu’ils soient au régime micro ou classique — bénéficient d’une protection légale de leur patrimoine personnel. Cela signifie que les biens non professionnels ne peuvent plus être saisis en cas de dettes professionnelles, sauf fraude ou manquement grave.
Autrement dit, la différence de responsabilité entre auto-entrepreneur et EI classique a été largement gommée.
Quel statut choisir selon votre profil ?
Le régime auto-entrepreneur convient particulièrement si :
- Vous démarrez seul et en testant une activité
- Vos charges sont faibles
- Vous ne prévoyez pas de dépasser les seuils
- Vous souhaitez une gestion simple, sans comptabilité complexe
- Vous exercez une activité en parallèle d’un emploi salarié ou d’une retraite
L’entreprise individuelle classique est plus adaptée si :
- Vous envisagez de dépasser les plafonds rapidement
- Vous avez besoin d’investir ou de supporter des charges importantes
- Vous souhaitez récupérer la TVA
- Vous êtes prêt à déléguer la gestion comptable
- Vous ciblez une activité à temps plein, avec perspectives d’évolution
Auto-entrepreneur ou entreprise individuelle ? Le choix dépend moins du nom que de la logique de gestion que vous adoptez. Le régime auto-entrepreneur séduit par sa simplicité, mais peut vite montrer ses limites si votre activité se développe. L’EI classique, plus exigeante, offre une souplesse et une capacité de déduction bien supérieures. Avant de trancher, posez-vous les bonnes questions : quels sont vos besoins, vos objectifs, vos charges ?
Et si le doute subsiste, un échange avec un expert-comptable ou un conseiller en création d’entreprise peut vous éviter de mauvaises surprises. Car bien choisir son statut, c’est poser les fondations d’un développement durable.
(Crédit photo : iStock – Tom Werner)