La liquidation judiciaire marque souvent la fin douloureuse d’une aventure entrepreneuriale. Mais elle ne signe pas nécessairement la fin du parcours. Beaucoup d’entrepreneurs, après avoir vu une première société échouer, souhaitent rebondir et créer une nouvelle entreprise. Est-ce légalement possible ? Sous quelles conditions ? Y a-t-il des restrictions à connaître ? Voici tout ce qu’il faut savoir pour créer une société après une liquidation judiciaire.
Liquidation judiciaire : de quoi parle-t-on exactement ?
La liquidation judiciaire est une procédure collective ouverte lorsqu’une entreprise n’est plus en mesure de payer ses dettes et n’a aucune perspective de redressement. Elle peut concerner une entreprise individuelle comme une société.
Ses effets sont radicaux :
- arrêt immédiat de l’activité,
- vente des actifs pour rembourser les créanciers,
- clôture de l’entreprise une fois le passif liquidé (ou non).
Le dirigeant est dessaisi de ses pouvoirs de gestion. Un liquidateur judiciaire prend le relais pour organiser la fin de l’activité.
Mais cette procédure n’entraîne pas automatiquement l’interdiction de diriger ou de créer une autre société. Des restrictions ne s’appliquent que dans certains cas particuliers.
Peut-on créer une autre entreprise après une liquidation judiciaire ?
En règle générale, oui. Une liquidation judiciaire n’interdit pas automatiquement de créer une nouvelle société. La loi française est plutôt clémente à l’égard de la prise de risque entrepreneuriale, à condition que le dirigeant n’ait pas commis de fautes de gestion graves.
Vous pouvez donc :
- immatriculer une nouvelle entreprise individuelle,
- créer une nouvelle société (SARL, SAS, EURL, SASU, etc.),
- devenir associé ou dirigeant d’une autre structure.
Aucune disposition ne prévoit un « casier judiciaire entrepreneurial » par défaut. La liquidation d’une entreprise précédente n’est pas un motif d’exclusion, tant que vous n’avez pas fait l’objet d’une sanction spécifique.
Dans quels cas un dirigeant peut-il être interdit de gérer ?
Certaines situations, plus graves, peuvent entraîner une interdiction de gérer, prononcée par le tribunal de commerce, le juge pénal ou dans le cadre d’une faillite personnelle.
Cette mesure concerne les dirigeants reconnus coupables de :
- détournement d’actifs ou fraude,
- tenue de comptabilité irrégulière ou absente,
- poursuite abusive de l’activité en état de cessation de paiements,
- non-coopération avec le liquidateur,
- confusion volontaire entre patrimoine personnel et professionnel.
L’interdiction de gérer peut être temporaire ou définitive. Elle vous empêche alors :
- de créer une entreprise en nom propre,
- de diriger, gérer, administrer ou contrôler une société,
- de s’associer dans certains cas.
Si vous êtes dans ce cas, toute nouvelle tentative de création d’entreprise est illégale, sauf levée ou aménagement de la mesure.
Peut-on récupérer l’ancienne activité dans une nouvelle société ?
Il est possible, sous certaines conditions, de reprendre l’activité ou les actifs de l’entreprise liquidée. Cette opération peut être réalisée via :
- une offre de reprise pendant la liquidation,
- le rachat d’un fonds de commerce mis en vente par le liquidateur.
Toutefois, pour éviter les abus, la loi impose plusieurs garde-fous :
- le dirigeant de l’entreprise liquidée ne peut pas automatiquement reprendre ses propres actifs,
- toute offre de reprise par l’ancien dirigeant est soumise à l’autorisation du tribunal,
- le projet doit être crédible, distinct, et démontrer une volonté de redémarrage sur de nouvelles bases.
Il ne s’agit donc pas de « recréer à l’identique » mais bien de proposer un projet viable et restructuré.
Peut-on utiliser le même nom commercial ou la même marque ?
Oui, mais avec prudence. Si la marque ou le nom commercial n’ont pas été cédés par le liquidateur, ou s’ils ne sont pas déposés à l’INPI, vous pouvez les réutiliser.
En revanche, s’ils ont été cédés à un tiers ou s’ils sont encore la propriété de la société liquidée, vous n’avez plus le droit de les exploiter, sous peine d’action en contrefaçon ou en concurrence déloyale.
Avant d’utiliser à nouveau un nom commercial ou une marque, vérifiez leur statut juridique, soit via le liquidateur, soit via une recherche auprès de l’INPI.
Y a-t-il un délai à respecter avant de pouvoir recréer une entreprise ?
Non, aucun délai légal d’attente n’est prévu. Vous pouvez, en principe, créer une nouvelle société dès la clôture de la liquidation judiciaire — voire pendant la procédure, si vous n’avez pas été sanctionné.
Toutefois, si vous souhaitez reprendre tout ou partie de l’activité liquidée, il est préférable d’attendre la clôture effective de la procédure, et de vous coordonner avec le liquidateur pour éviter tout conflit d’intérêt.
Quels sont les impacts sur la crédibilité du nouvel entrepreneur ?
Même si la loi ne sanctionne pas automatiquement un ancien dirigeant, le passé entrepreneurial peut influencer la perception des partenaires :
- certaines banques peuvent hésiter à ouvrir un compte ou à accorder un crédit,
- des fournisseurs ou clients peuvent se montrer prudents,
- les assureurs peuvent appliquer des conditions renforcées.
L’idéal est d’être transparent, de justifier les causes de l’échec précédent, et de présenter un nouveau projet solide et crédible.
Dans certains cas, il peut être utile de changer de forme juridique, de s’associer ou de se faire accompagner par un expert pour rassurer les interlocuteurs.
(Crédit photo : iStock – fizkes)