Peut-on commencer son activité avant l’immatriculation de sa société ? 

Vous avez un projet prêt à démarrer, des clients intéressés, voire des contrats à signer… mais votre société n’est pas encore immatriculée. Est-il possible de commencer malgré tout ? La question est légitime, car les délais administratifs peuvent retarder le lancement d’un projet. Pourtant, agir avant l’immatriculation d’une société peut comporter des risques juridiques. Il existe néanmoins des solutions encadrées pour préparer son activité en toute légalité. Voici ce qu’il faut savoir avant de vous lancer. 

L’immatriculation : une étape juridique incontournable 

En droit français, une société n’existe légalement qu’à partir de son immatriculation au Registre du commerce et des sociétés (RCS). Ce n’est qu’à ce moment-là qu’elle obtient : 

  • la personnalité morale (elle devient une entité juridique distincte de ses fondateurs), 
  • un numéro SIRET
  • un extrait Kbis, indispensable pour ouvrir un compte bancaire, signer un bail, facturer ou recruter. 

Tant que cette immatriculation n’a pas eu lieu, la société n’a pas d’existence légale. Elle ne peut donc, en théorie, ni signer de contrat en son nom, ni encaisser de recettes. 

Agir avant immatriculation : possible, mais sous conditions 

Bien que la société ne soit pas encore immatriculée, il est possible de commencer certaines démarches en son nom futur, à condition de respecter un cadre strict. C’est ce qu’on appelle les actes accomplis pour le compte de la société en formation. 

Autrement dit, les fondateurs peuvent : 

  • signer un bail commercial, 
  • commander du matériel, 
  • embaucher, 
  • ou même conclure un contrat commercial, 

en leur nom personnel, mais pour le compte de la société en formation. 

Cela suppose d’indiquer clairement sur tous les documents
« agissant pour le compte de la société [nom de la société] en cours de formation ». 

Ces actes pourront ensuite être repris par la société une fois immatriculée. 

Comment faire reprendre ces actes par la société ? 

Une fois la société immatriculée, elle peut reprendre les engagements pris pour son compte par ses fondateurs. Il existe trois mécanismes de reprise, reconnus par la loi : 

L’annexion aux statuts 

Les fondateurs peuvent joindre aux statuts une liste détaillée des actes déjà accomplis (ex. : devis signés, bail, commande d’ordinateur…). Cette méthode est simple et garantit automatiquement la reprise de ces actes par la société une fois créée. 

La reprise par décision des associés 

Si certains actes n’ont pas été annexés aux statuts, les associés peuvent décider postérieurement à l’immatriculation de les reprendre officiellement. Cela passe par une décision collective (généralement en assemblée). 

La reprise automatique (par comportement) 

Enfin, la jurisprudence admet qu’un acte puisse être considéré comme repris si la société commence à l’exécuter volontairement (ex. : paiement d’un loyer, usage d’un bien loué…). C’est une reprise dite « tacite », mais elle reste risquée juridiquement si elle n’est pas formalisée. 

En l’absence de reprise, les fondateurs restent personnellement responsables des engagements pris. D’où l’intérêt de tout documenter soigneusement. 

Peut-on facturer avant l’immatriculation ? 

Non. Tant que la société n’est pas immatriculée, elle ne peut pas émettre de facture en son nom. Pourquoi ? Parce qu’elle n’a pas encore de numéro SIRET ni d’existence légale. 

Si vous devez absolument facturer avant immatriculation, vous avez deux options : 

  • Facturer à titre personnel (en tant qu’auto-entrepreneur ou EI), puis transférer l’activité à la société ensuite. Attention : cela implique un statut distinct, des obligations sociales et fiscales spécifiques. 
  • Signer un contrat provisoire, en précisant que la société en formation prendra le relais à l’immatriculation. 

L’idéal reste d’anticiper l’immatriculation pour ne pas se retrouver dans cette zone grise. 

Peut-on encaisser de l’argent ou signer un contrat avant l’immatriculation ? 

Encaisser des fonds 

Sans existence juridique, la société ne peut pas ouvrir de compte bancaire professionnel. En revanche, certaines banques proposent un compte de capital bloqué pour déposer les apports lors de la création. Ce compte est activé une fois le Kbis obtenu. 

Il est aussi possible pour les associés de recevoir provisoirement les fonds sur un compte personnel, mais cela doit être formalisé et temporaire, dans le cadre de la création. Ces sommes devront être transférées à la société dès qu’elle sera opérationnelle. 

Signer un contrat 

Oui, vous pouvez signer des contrats en votre nom propre pour le compte de la société en formation, à condition de l’indiquer clairement. Cela peut inclure : 

  • des contrats de travail, 
  • des baux commerciaux, 
  • des partenariats. 

Mais encore une fois, ces contrats n’engagent pas la société tant qu’elle n’est pas immatriculée, sauf s’ils sont ensuite repris formellement. 

Quels sont les risques si l’on agit sans respecter ce cadre ? 

Agir pour une société non encore immatriculée sans mentionner qu’il s’agit d’une société en formation expose à plusieurs risques : 

  • Engagement personnel du ou des fondateurs : ils peuvent être poursuivis en nom propre. 
  • Nullité du contrat si la société n’est pas créée par la suite. 
  • Responsabilité civile ou pénale en cas de facturation illégale ou d’usurpation d’identité juridique. 

Il est donc essentiel d’être précis dans la rédaction des documents, de tout anticiper, et de respecter le formalisme exigé. 

(Crédit photo : iStock – fizkes)